Direct à la poubelle

Publié le par Tom

Un jeune lecteur du Perche, Rémi Broute, nous écrit pour nous dire qu'il a entendu parler, par son oncle, du fait qu'il existait des journaux gratuits, distribués dans les métros, les trains, les RER et les boulangeries. Rémi Broute nous pose alors deux questions, de sa fragile voix fluette d'enfant aux prises avec la réalité neuve du monde :
1) comment peut-il exister des journaux gratuits, alors que chacun sait que c'est cher à fabriquer un journal à cause du papier et de toutes les idées qu'on met dedans qu'il faut beaucoup réfléchir pour les trouver et qu'on paie cher les gens qui réfléchissent en France ?
2) Pourquoi Lotus et Moltonel n'ont-ils pas protesté contre ce dumping particulièrement déloyal ?

Nous laisserons l'oncle du jeune Rémi Broute répondre à la deuxième question et nous concentrerons sur la première, à savoir, comment un journal gratuit peut-il exister ?

C'est très simple, mon jeune Rémi, du Perche.

Prenons par exemple l'un de ces quotidiens gratuits qui s'appelle Uppercut Matin. Il y a quelques jours maintenant, on y trouvait une interview d'une page de Luc Chatel, porte-parole du gouvernement depuis que David Martinon est parti chercher du bois.

C'est une interview de fond, un sérieux travail de journalisme, où Luc Chatel est mis sur la sellette à chaque instant. D'ailleurs, c'est dans la rubrique "Comprendre".

Secrétaire d'état à l'Industrie et à la Consommation, Luc Chatel est un homme qui a beaucoup réfléchi, et qui est arrivé là à force d'abnégation, de travail et de vocation, après un petit détour par le cirque Bouglione dont il a été tête d'affiche trois ans de suite.   

En-tête de cette interview dans Crochet du droit Matin : "il faut remettre de la concurrence dans le système". C'est la position que Luc Chatel doit défendre contre les attaques sauvages de ce journal qui, pour être gratuit, n'en ignore pas non plus que la vérité a un prix, celui du courage (en vente ici).

La Concurrence, chacun sait que c'est grâce à elle que tout va tout de suite mieux, pour moins cher, pour le bien du consommateur. Les Philippines et le marché de l'eau en sont peut-être l'exemple le plus évident, et Luc Chatel le sait bien, lui qui n'est pas là par hasard.

Luc Chatel s'exprime sur le prix de la vie dans les grandes surfaces : c'est parce qu'il n'y a pas assez de concurrence que les supermarchés français sont trop chers. Il n'y a pas assez de concurrence parce qu'il y a trop de lois. Des lois mal faites, qui empêchent la liberté du commerce de s'exprimer.
Mais avant de débattre, parlons des faits !
Le saviez-vous ? Si non, Luc Chatel vous l'apprend.
La France est en moyenne 5% plus cher que la moyenne des grands pays européens (ce qui veut dire, Europe de l'ouest). Et même : en Allemagne, en Espagne, au Pays-Bas, le prix du panier de la ménagère est entre 20 et 30% plus bas qu'en France ! Cet article nous apprend des choses, c'est certain, et Luc Chatel est bien généreux de partager son savoir. Bien pudique aussi, de ne pas parler des pays qui doivent être bien plus chers que la France, pour que la moyenne remonte jusqu'à seulement 5%. C'est surtout pour ne pas vexer l'Angleterre, pays où la concurrence est telle que tout est quasiment gratuit. Non, Luc Chatel ne voudrait pas blesser nos amis anglais, qui sont obligés de venir acheter des appartements à Paris et des maisons en Provence pour avoir le sentiment, parfois, de dépenser quand même un petit peu d'argent.

La France est donc trop chère, c'est un fait démontré. Il n'y a qu'une solution aussi, c'est un fait, ça nous pouvons l'apprendre grâce à Coup de Boule-Balayette du Matin : il faut plus de grandes surfaces, plus grandes, beaucoup plus grandes, à plus d'endroits ! L'avenir s'annonce meilleur, en France, rassurons-nous ! Monsieur Sarkozy travaille jour et nuit - surtout la nuit - à rencontrer les grands décideurs économiques qui acceptent de traîner avec lui en boîte.

Donc non seulement c'est la faute des prédécesseurs si tout va mal, mais en plus, nous apprenons qu'il n'y a qu'une seule voie, qu'une seule issue, et pas de question : il faut plus de concurrence !

Par exemple l'enseigne Carrefour. Elle abuse grave de chez grave, et ça c'est parce qu'elle manque de concurrence. Numéro 2 mondial de la distribution, Carrefour a fusionné avec Promodès en 1999, devenant ainsi le numéro 1 européen. Promodès, c'était le concurrent de Carrefour, qui faisait Continent. C'est clair que plus de concurrence, en France, ça va tout changer d'un coup, pour Carrefour, qui n'y est pas habitué et devra s'adapter !

C'est la loi de la vie !

Oui, Rémi, c'est ça qu'il faut ! De la concurrence ! Boun diou ! Combien de fois devrais-je te le dire ? Plus, comme le signe "plus" ! Con comme un gros con ! Cul comme le papier ! Rance comme du beurre rance ! PLUS DE CON-CU-RRENCE !

Vois-tu, Rémi, j'avais un ami, sais-tu. Oui, un ami. Il y a longtemps. Il disait du mal de la concurrence. J'ai essayé de le détourner de cette voie, mais c'était trop tard, il a été attaqué par des canards sauvages. On a rien retrouvé de lui, même pas ses bottes.

Et, Rémi, j'en ai d'autres des exemples. Jacques P., 52 ans, a refusé de mettre plus de concurrence dans son café du matin. Il est mort dans d'atroces souffrances, cloué au pilori en place publique, devant la plage la plus fréquentée de France, au 15 août.

Mais vois-tu, Rémi, il n'y a pas que le malheur, non, il y a aussi l'espoir, Rémi, il y a de l'espoir pour ceux qui regardent dans la bonne direction.
Il y a par exemple Martin G, qui est à peine plus vieux que toi, Rémi, à peine plus vieux. Martin G n'arrivait pas à choper quand il allait en teuf, mais depuis qu'il a compris qu'il fallait plus de concurrence, qu'il fallait arrêter avec les lois, les autres, les conneries, que tout ce qui comptait c'était plus de fric et toujours plus de fric, Martin chope des bombasses hongroises comme il veut !

Oui, Rémi, ça te fait envie et c'est tant mieux, parce que c'est tout ce qu'on a à te proposer, du fric et des bombasses à poil !

Alors voilà Rémi, maintenant tu comprends enfin.

Si Défonce-Mâchoire Matin, le gratuit du métro, ne coûte pas un sou à ton oncle, c'est parce que tout est payé par la PRO-PA-GAN - euh, pardon - la PU-BLI-CI-TÉ.

Publié dans Bananience

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C
Pourquoi diable le prends-tu personnellement ? Le Monde ne t'est pas aussi précieux que ça en est devenu l'extension de ton bras, tout de même ? Ce n'est ni une remarque, ni une critique : Lagardère est l'actionnaire principal du Monde, c'est un fait. Vue la proximité de ce groupe avec un certain partie politique au pouvoir, je laisse à chacun le soin d'en déduire les conclusions qui s'imposent, même à toi, mais je suis sûr que Genestar aurait bien des choses à dire sur ce sujet. Sachant ça, tu peux maintenant comprendre pourquoi te voir décrire Le Monde comme un modèle d'indépendance me fait doucement rigoler. Je finirai quand même par une citation d'Arnaud Lagardère tirée de sa biographie, histoire d'enfoncer le clou jusqu'au bout : « C’est quoi l’indépendance en matière de presse ? Du pipeau. Avant de savoir s’ils sont indépendants, les journalistes feraient mieux de savoir si leur journal est pérenne. » Du caviar.
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B
Cactus Acide, garde tes remarques du même type pour toi, oui je suis fiére de lire le Monde et de ne pas avoir la télé, c'est un choix je préfére lire un journal qui à un poil de recul face à l'actualité, plutôt que des communiqués de presse sans fondement, aprés chacun est libre de faire ce qu'il vaut et je ne me permettrais pas moi de faire ce genre de critiques
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R
@Tom : Tu dis ça parce que tu ne connais pas tous mes sites ! J'en ai plein d'autres, des sites, et des annonceurs ! L'un de mes sites concerne les tampons encreurs (si, si), un autre le mariage international, bientôt deux sites sur les conférences téléphoniques et trois autres sur les services à la personne. Que de nobles causes ou un peu de pro-pa-gande tout de même ? ;-)
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T
<br /> <br /> Mais les tampons encreurs, c'est LE combat humanitaire du XXIe siècle !<br /> <br /> Cela dit, j'ai l'impression d'avoir un peu foiré cet article. Je ne voulais pas traiter la publicité de propagande, mais simplement dire qu'un journal qui vit de la pub peut peut-être s'abstenir<br /> de nous servir la propagande gouvernementale en pleine page. Donc toi ce que tu fais, c'est bien de la publicité, pas de la propagande. Tu peux dormir en paix ;-)<br /> <br /> <br /> <br />
R
Pour ma part, je fais des sites en accès libre et gratuit que je gave de pro-pa-gande. Mais j'espère que j'aurais le moins de concurrents possibles, pour ma part. Car moins j'en ai, plus les espaces publicitaires sont vendus cher. Et... moins il y a de propagande ? ;-)
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T
<br /> <br /> Ah oui mais toi c'est différent, c'est des pubs pour que les adultes trouvent l'amour, c'est une noble cause.<br /> <br /> <br /> <br />
C
Belegae : je pouffe. Présenter Le Monde comme un modèle d'indépendance, alors que son plus gros actionnaire externe est Lagardère, est une excellente blague que je ne manquerai pas de ressortir dès que j'en aurai l'occasion (en citant sa source, rassure-toi).<br /> Tom : peu importe qu'un journal soit payant ou non, ce n'est sûrement pas ça qui est garant de son indépendance. 1_ Gratuit ou pas, il y a toujours des actionnaires avec divers intérêts ailleurs. 2_ Le prix de vente ne représente pas la totalité des recettes d'un journal payant, loin de là : 30 à 45% de celles-ci viennent de la publicité.
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T
<br /> <br /> Pour être honnête, l'indépendance de la presse n'était pas vraiment le sujet de mon article.<br /> <br /> Il y a aujourd'hui peu de journaux réellement indépendants d'un point de vue financier, et le seul qu'il m'arrive de lire est dans nos liens : "Le Tigre". Franchement, c'est plutôt sympa.<br /> <br /> Ce que je voulais exprimer était surtout mon agacement à l'égard du discours dont Luc Chatel se faisait le porte-parole, discours repris aujourd'hui encore par le président de la République à<br /> Rungis, et qui repose sur des présupposés présentés comme des faits.<br /> <br /> J'aurais fait le même article, à peu de choses près, si le papier était paru dans le Figaro ou le Monde ou autre, mais un gratuit, distribué par de gentils jeunes gens payés pour ce faire, qui<br /> offre une si belle tribune à une rhétorique hautement discutable - non, c'est un peu abusé.<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />