Avec des bouts de ficelle et les compliments de la maison

Publié le par Jerry

Les chauffages qui ne fuyaient plus, la chaudière qui ronronnait comme un gros chat enfermé dans un placard qui ferait le gentil pour qu'on le laisse sortir, tout ça tout ça, déjà, on se sentait mieux.

Bon, on pouvait pas encore vraiment prendre de douches, hein, ça c'est sûr, sinon la chaudière tombait en rade et nous asphyxiés. Et puis surtout, elle a pas duré longtemps, notre première période de chauffe, parce qu'au bout de 2 jours, AGCEC est venu et a emporté la chaudière. Hein? Quoi? Emporté la chaudière? Oui, mais en promettant d'en rapporter une autre le lendemain, une qui fait chauffage ET eau chaude cette fois, et sans asphyxier les habitants, alors bon, on a autorisé l'échange des otages avec des larmes dans les yeux.

C'est vrai, quoi, une chaudière Osakaï toute neuve, toute belle, toute chouette, et surtout on s'était tant de fois agenouillés devant elle pour prier saint Poilodos, patron des gens frileux, de nous accorder du chaud, on s'est dit qu'elle allait nous manquer. Et on s'est demandé si la nouvelle, une Dormeur-Duval, serait aussi bien, ou en tous cas pas pire, parce qu'après tout, à qui se fier.

Alors on s'est agenouillés devant le trou béant laissé par la chaudière absente, et on a prié saint Bozyeux, patron des quarante voleurs, pour que ça soit pas une arnaque, pour que nos Ali-Babas de quartier ne se trompent pas de porte et pour que notre future chauferette ne soit pas victime des bandits de grand chemin.

On a dû bien prier, parce que le lendemain, ils sont revenus, ils avaient pas oublié la chaudière, personne n'était malade, bref les travaux ont commencé.

Et c'est là, en refaisant les conduits d'évacuation des gazs brûlés, que les collègues de Samaritain ont mis au jour le grand secret.

Généralement, dans les feuilletons de l'été, après des mois de galère, quand les héros arrivent à peu près au bout de leurs emmerdes, ils font des travaux dans leur maison, et là, paf, ils tombent sur un trésor caché dans un conduit d'aération par le grand-père que personne n'aimait et qui du coup se trouve réhabilité au fond de sa tombe, et que même si ça arrive un peu tard puisque les ennuis sont finis, c'est toujours ça de pris.

Bon, ben faut savoir que dans les feuilletons de l'automne, c'est sensiblement différent.

Ce qu'on a trouvé, dans les conduits, c'était surtout un tas de vieilles chemises à carreaux cradingues déchirées en lambeaux. On a bien cherché voir s'il y avait un cadavre avec, histoire que ça palpite un peu, mais queud. C'était juste des vieilles loques qui servaient à colmater des trous dans le toit faits comme des cochons.

Vous me direz, c'est pas bien intéressant, comme trésor.

Et je vous répondrai, oh que si! Parce que des vieilles chemises déchirées, quand ça sert de rembourrage autour d'un tuyau d'évacuation des gazs brûlés, ça fait quoi? A terme, ça brûle, et la maison avec, et ses occupants itou, parfois.

Donc on a expiré un grand coup, on a roulé des yeux un peu fous et on a couru partout en criant, parce que y'a pas à dire, comme trésor, c'était tout pourri, mais on était drôlement contents quand même que les messieurs d'AGCEC l'aient trouvé. Parce qu'on avait envie d'avoir chaud, oui, mais pas à ce point.

Ensuite, ça a été à peu près bien. Oh, il a encore fallu mettre à l'endroit le dernier chauffage (- Mais comment ça, à l'envers? - Ben oui, à l'envers. ça veut dire que le robinet d'ouverture, il est sur la sortie, et que l'eau, au lieu de descendre dedans, elle doit monter.), et puis changer le tableau électrique aussi, qui avait tendance à jouer les cierges magiques, alors qu'évidemment, une chaudière à gaz, pour fonctionner, il lui faut aussi de l'électricité, sinon ce serait pas drôle.

Non, à part ces deux ou trois petits détails, on a commencé ce jour-là une grande histoire d'amour avec notre chaudière Dormeur-Duval, qui était gentille, modeste et travailleuse.

Et comme on allait justement célébrer les deux mois de notre emménagement, on a enlevé d'un coup tous nos pulls, et on a filé sous la douche. En sortant, on a remis un nombre raisonnable de pulls, et on s'est trouvés drôlement maigrichons d'un coup.

Epilogue

Dans les jours qui ont suivi, on a observé un changement sensible chez Tom et Jerry. Une agréable à chaleur à nouveau dans l'air, les corps se sont peu à peu découverts, les épaules crispées par le froid se sont détendues, les fronts se sont déplissés, les yeux se sont illuminés d'autres pensées.

L'air qui se réchauffe, les habits qui s'allègent et les idées qui se réjouissent, ça vous rappelle rien, si?

Ben si. Cette année-là, pour nous, le printemps est tombé à la mi-novembre.
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
G
joli brin de plume :)
Répondre
C
Quelle jolie happy end. Comme dit l'aut', s'il n'y avait pas l'hiver, on apprécierait moins le printemps...
Répondre
J
Ouais enfin faut pas exagérer non plus. Je te jure qu'on l'aurais apprécié quand même, hein.
V
Comme le dit l'adage populaire, "printemps à la mi-novembre, activités dans la chambre". A moins que ce soit un truc du genre "mieux vaut tard que jamais"?<br /> <br /> Dans tous les cas je suis content de vous savoir au chaud, même si le gnome démonique qui sommeille en mois se réjouit déjà du moment (que l'on imagine, à travers vos récits, aussi redoutable qu'inéluctable) où vous apprendrez que votre chaudière est radio-active (ça c'est si tout se passe bien) ou made in Liechtenstein (mais ça quand même je vous le souhaite pas)
Répondre
J
Non, en fait, le dicton dit "Noël à la chaudière, Pâques en théière", mais j'ai jamais bien compris pourquoi.